Bayetto à l’Entresol par Elisabeth Lebovici, juin 2012
Bayetto, peintre autodidacte qui dit s’être éduqué le regard avec les images des livres sur la Renaissance, interroge la « belle peinture » (c’est lui qui le dit) par ses limites, celles qui finissent ou indéfinissent le tableau, qui tapent dans l’oeil de la spectatrice ou du spectaeur parce qu’elles lui font de l’oeil, en tentant d’échapper » à la lourde, massive, bêtasse, syntaxe » (Journal des Goncourt) de leurs fond et de leur forme.
Dans les peintures noires-colorées qu’il expose, le liant ainsi prime sur le pigment pour repousser la forme et le fond par la vibration. Peignant à l’huile, Bayetto use et abuse du glacis, une technique picturale, qui, selon le Dictionnaire des arts, peinture et gravure de Watelet (un article qui « passe » d’encyclopédie en encyclopédie) : « signifie l’effet que produit une couleur transparente qu’on applique (…) en frottant une autre qui se trouve déjà placée et sèche. La couleur avec laquelle on glace doit laisser apercevoir ce qui se trouve dessous et lui donner un ton plus brillant, plus coloré, plus fin (…). Il s’agit donc, en quelque sorte, de lustrer la couleur et Watelet, en 1792, recommande de n’en user qu’avec parcimonie, préférant la solidité, physique et conceptuelle de la « pleine pâte ». Chez Bayetto, les voiles translucides ou transparents deviennent l’objet, plein, du travail et non sa finition. Qu’est-ce que ça fait, de ne garder, presque, que les superpositions, faisant disparaitre une perception purement visuelle sous les stimuli de la surface?
A ces questions, s’ajoute ce que Bayetto caractérise par « altérité de la figure humaine »- des figures venues d’on ne sait où, in(dé)finiment vibratiles. Sans doute est-ce pour lui une façon de prendre en charge leurs images en un temps où la plupart des occurences de la photographie sont désappropriées, à la fois de leurs auteurs et de leurs modèles; en les rendant étrangères, et dont en leur restituant un espace et un temps, flottants, pour le désir ou pour la mélancolie. Le peintre joue aussi de la pesanteur, n’hésitant pas, par exemple, pour le carton de son exposition (ci-dessous) à renverser un tableau de 45°. C’est aussi ce qui apparait dans sa peinture la plus récente exposée à l’Entresol, où on distingue, en même temps qu’un fond rouge oscillant vers l’avant, un homme debout reniflant un chien de façon à ce que le tableau, selon ce qu’on regarde, apparaisse toujours de travers. Façon de combattre, à nouveau, les limites du tableau.